Le blog de P.L.E.C.S.

 






LA FLAGELLATION

En notre étude de la théorie mystique, si parfois des mots scandalisaient mon amie, je les interprétais à son intelligence avec toute la déférence due aux textes des grands saints. Elle apprit que les caresses de la main gauche, ce sont les premières souffrances, preuve du sacrifice accepté ; et les caresses de la main droite, tout le manuel sanglant de l’amour : le baiser des épines, l’attouchement des lanières plombées, la morsure adorable des clous, la pénétration charnelle de la lance, les spasmes de la mort, les joies de la putridité.

Nous méditâmes sur cette nomenclature. Hyacinthe se surexcitait, méprisait son apparence corporelle et décidée à prouver ce mépris par des actes.

Un soir, comme je lisais la vie de sainte Gertrude, la vierge aux ingénieuses dilections qui eut le divin caprice de remplacer par des clous de girofle les clous de fer de son crucifix — et j’en étais à la page où Jésus lui-même, pour charmer sa bien-aimée, descendit vers elle, et, la tenant embrassée, chanta :

Amor meus continuus, Tibi languor assiduus, Amor tuus suavissimus Mihi sapor gratissimus…


Je cherchais la signification seconde de ces quatre vers, — lorsque Hyacinthe m’apparut toute nue, me priant de la flageller. Elle tenait à la main une discipline de chanoinesse, sept cordelettes de soie en détestation des sept péchés capitaux, et sept noeuds à chaque corde pour remémorer les sept manières de faillir mortellement dans le même mode sensationnel.

— « Les sept cordes de la viole ! dit-elle en souriant étrangement. Les roses, ce seront les gouttes de sang qui fleuriront ma chair. »

Pas plus qu’aucune autre femme de race, Hyacinthe n’avait de pudeur, mais son ardeur pénitencielle seule expliquait la hardiesse de s’illuminer devant moi en plein nu, sans nul geste de voiler les secrets de sa forme sexuelle à peine pubescente. Elle était si jeune encore, toute frêle d’une pureté athénienne et si pleine de la grâce des inconscientes Èves, que le coeur me faillit d’ensanglanter cette innocence.

Pourtant j’obéissais : des lignes rouges et des points rouges stigmatisèrent les épaules de mon amie, ses hanches, ses reins, et des piqûres s’égaraient vers le ventre et vers la candeur des seins peureux.

Elle s’agenouillait les mains jointes, se relevait les bras étendus, courbait le dos, dressait dans un frisson sa tête pâle, criant quand le fléau tardait à descendre :

« Encore ! Encore ! »

Je suis sûr qu’elle eut l’illusion d’un grave martyre, d’une fustigation digne d’Henri Suso ou de Passidée, qu’on trouvait dans leurs cellules évanouis parmi un ruisseau de sang et des lambeaux de chair attachés à la ferraille et aux molettes du solide martinet tombé de leurs doigts las, malgré leur volonté de souffrir jamais lasse, — mais j’avais été clément, voulant bien contenter un caprice, mais non souiller de cicatrices une peau dont l’intégrité m’était chère.

« Encore ! Encore ! »

Elle me regarda avec des yeux en route vers l’extase, des yeux où le blanc, comme en une éclipse, mangeait déjà le rayonnement des prunelles. Sous la partielle occultation de l’iris, des lueurs folles passaient, où la cruauté, qui n’était pas dans le bourreau, pointait en éclairs et en flammes aiguës.

À ce moment, elle était debout. Ses bras s’abattirent autour de mon cou et elle tomba, m’entraînant avec elle dans le plus mémorable abîme de divagations voluptueuses, — et nous demeurâmes tout au fond pour jamais.

 

 

 

Sam 19 avr 2008 1 commentaire
salut tres jolie fesse marquee cette photo est vraiment tres belle!
olivier - le 20/04/2008 à 08h16